Dans le numéro 170 de Bourgogne Aujourd’hui actuellement en vente le dossier est consacré au réchauffement climatique et aux solutions viticoles étudiées pour s’y adapter . Retrouver ci-dessous la partie de ce dossier dédiée aux pratiques culturales. Il vous reste les trois-quarts du dossier à lire.
Les pratiques culturales, des intérêts multiples
Le choix du matériel végétal est à associer à des pratiques culturales visant à agir sur deux paramètres du bilan hydrique : limiter la perte d’eau par la plante et favoriser son accès à l’eau par le sol. « Nous étudions des pratiques qui permettent de limiter l’impact de températures élevées ou celui d’un déficit en eau sur la production viti-vinicole en qualité et en quantité », explique Benjamin Bois, maître de conférences à l’Université de Bourgogne et détaché au centre de recherche de climatologie de Dijon où il étudie l’agro-climatologie viticole.
« Mes travaux de recherches portent sur les relations climat-viticulture. Je m’intéresse au changement climatique, entre autres, mais nous participons activement à ce programme de recherches qui nous permet de nous rapprocher de la filière. Au domaine de l’Université de Bourgogne, nous avons un protocole expérimental bien installé et nous travaillons actuellement sur de l’effeuillage apical, c’est-à-dire sur la partie haute de la canopée, inversement à ce que l’on ferait intuitivement pour permettre aux raisins d’être ventilés, d’être aérés et de mieux mûrir. Là au contraire, on laisse le raisin ombragé en enlevant les feuilles sur la partie haute. Il y a plusieurs intérêts, à commencer par la réduction de la photosynthèse de la plante, qui va fixer moins de carbone, et par conséquent réduire les teneurs en sucres des raisins. Autre impact, au niveau du déficit hydrique, la plante y est moins sensible et cela la rend moins vulnérable à l’échaudage. Les professionnels et même certains collègues peuvent être dubitatifs mais nous sommes sûrs de nous. En effeuillant quasiment les deux tiers du rang, seule la zone des grappes est encore fournie. La vigne est beaucoup plus parcimonieuse en termes de consommation d’eau. Le stress hydrique est un facteur aggravant de la brûlure du raisin. En le limitant, même si les grappes ont l’air un peu plus exposées à la lumière, elles sont moins sensibles aux brûlures car la vigne a économisé de l’eau et elle résiste mieux ».
Le paillage, efficace pour limiter l’évaporation
Un rognage sévère, en retirant les parties hautes des feuilles, permet lui aussi de limiter la photosynthèse. « L’idée est toujours d’abaisser la teneur en sucres des raisins et donc la teneur en alcool des vins. On n’en est pas encore là en Bourgogne mais c’est très bien d’anticiper et d’évaluer ce genre de techniques », précise Benjamin Bois.
Et qu’en est-il des vignes tressées, de plus en plus nombreuses quand on se balade sur la côte ? « Le tressage, c’est une philosophie complètement inverse. L’idée, c’est de laisser plus de feuillage pour protéger le raisin et que la vigne se régule d’elle-même. On a du mal à mettre en place le raisonnement physiologique derrière. C’est une technique qui est à l’initiative des exploitants et il ne faut pas ignorer leur savoir-faire et les observations empiriques que font les professionnels », ajoute Benjamin Bois.
Pour limiter l’évaporation de l’eau, le paillage se révèle efficace. « Dans les vignes, il y a une partie non négligeable du sol où peut se développer une végétation qui va concurrencer la vigne en azote et en eau. Quand bien même on travaille ce sol pour la détruire et éviter cette concurrence, on a quand même une perte d’eau par évaporation. Le but du paillage, c’est de recouvrir le sol avec différentes options comme des végétaux ou de la fibre organique pour limiter l’évaporation ».
Pour aller plus loin que la vigne et voir l’impact sur le vin fini, l’équipe de l’Université de Bourgogne procède à des micro-vinifications, issues de deux parcelles plantées en pinot noir et en chardonnay, des jeunes vignes. « On peut ainsi ensemencer nos différentes modalités : effeuillage sévère ou absence d’effeuillage par exemple. On le fait avec des levures non-saccharomyces, très gourmandes en sucres et qui produisent un peu moins d’alcool. On arrive en cumulant l’effeuillage apical sévère et en utilisant ces levures, à baisser le taux d’alcool dans les vins de 1 à 1,5 %. Ces levures ont par ailleurs un pouvoir acidifiant ce qui permet de rapporter un peu d’acidité ».
Texte : Elisabeth Ponavoy
Photographie : Thierry Gaudillère
14 mars 2024
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