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publié le 14 janvier 2019

90 ans et pas une ride !

 

1928… L’Europe pansait ses plaies. Les prémices de la grande crise se faisaient probablement déjà sentir et pendant ce temps là, la Bourgogne récoltait l’un de ses meilleurs millésimes du XXème siècle. “Une grande année, surtout en blanc”, titre Jacky Rigaux dans son ouvrage “Millésimes en Bourgogne, 1846-2006” paru aux éditions Terres en Vues. On y apprend qu’après un été radieux, des vendanges tardives, en octobre, ont permis de récolter des raisins mûrs, de grande qualité, tout particulièrement en chardonnay. En ce qui concerne le pinot noir, la Côte de Beaune a échappé à la grêle (pas la Côte de Nuits) et des vins de haut niveau avaient fait grimper les cours à la vente des vins des Hospices de Beaune. Déjà…Le vendredi soir précédant la vente des vins des Hospices de Beaune 2018, la maison beaunoise Bouchard Père et Fils a renoué avec une tradition instaurée dès son arrivée aux commandes de la maison en 1995, par le regretté Joseph Henriot, en organisant une soirée-dégustation consacrée à de très vieilles bouteilles. Rappelons que la maison Bouchard Père et Fils possède sans doute la plus belle collection de vieux millésimes bourguignons au monde ; elle conserve en effet 300 000 bouteilles de plus de 10 ans (2 000 du XIXème siècle, la plus vieille étant un Meursault Charmes blanc 1846), dont une partie dans les anciens bastions de la ville de Beaune dont les mûrs de plusieurs mètres d’épaisseur garantissent des températures fraîches et stables toute l’année. Les bouchons sont changés tous les 25-30 ans pour préserver cette collection, qui s’enrichit de 10 à 20 000 bouteilles chaque année. Une cave de rêve… La thématique de la soirée était cette année, ou plutôt l’an dernier, les millésimes en 8, qui, il faut bien le reconnaître n’ont pas une réputation exceptionnelle en Bourgogne. Chevalier-Montrachet 2008 et 1998 pour débuterLes “festivités” ont débuté par un Chevalier-Montrachet grand cru blanc 2008, tout jeune, aux arômes de citrons confits, d’abricots secs, finement épicé, à la bouche “tapissante”, grasse et bien tendue ; apogée dans une vingtaine d’années pas avant. Justement, avec 20 ans de plus, le Chevalier-Montrachet 1998 était tout simplement magique avec son aromatique large, riche, fine, sur la truffe, le pain d’épices, la fleur d’oranger, le tout avec quelques notes évoquant un vin liquoreux ; bouche riche, grasse, “aérienne”, d’un gourmandise folle et pure. La maison est propriétaire de 2,54 hectares de Chevalier-Montrachet sur toute la hauteur du climat, achetés en 1838, 1850, 1892, 1856, 1860 et 1888. Deux cuvées sont aujourd’hui produites par Bouchard Père et Fils en Chevalier-Montrachet, avec des vignes de 44 ans d’âge moyen : la cuvée “classique” et depuis 1997, la Cabotte, qui consiste en une “enclave” du Chevalier dans le Montrachet située juste en dessous, et où la maison possède 89 ares (acquis en 1838). Autre grand moment d’émotion de cette soirée, avec la dégustation d’un Montrachet 1958. Jacky Rigaux parle d’un “petit millésime”, pluvieux, tardif, “touché par le botrytis”, ce qui a probablement contribué à sauver le chardonnay. Un Montrachet 58 à la robe ambrée, acajou, brillante. Arômes concentrés de miel, d’écorce d’orange, de safran… Bouche de demi-corps, avec un fruité épicé, frais, délicieux, et une sensation de sucrosité élégante qui évoque bien des raisins botrytisés. Un Beaune Avaux 1928 venu d’une autre planèteEn pinot noir, le Corton 1988 était à son apogée, avec une robe noire, vive. “C’est un secteur où la vigne produit des petites baies toujours bien mûres”, explique Frédéric Wéber, le directeur vignes et vins de la maison. Arômes riches et subtils de cerises confites, amarena, de cacao, de réglisse… Bouche croquante, d’une minéralité fine, enrobée, avec des saveurs de fruits noirs confits et de chocolat.Mais le champion toute catégorie de la soirée aura été ce Beaune (aujourd’hui premier cru) Les Avaux 1928 venu d’une autre planète. La maison est propriétaire de 4,36 hectares dans les Avaux, achetés en… 1791 (en même temps que le Beaune Grèves Vignes de l’Enfant Jésus), 1889, 1892, 1904 et 1912. Ce 1928 était tout simplement immense, bien plus jeune que son âge, avec une robe intense, profonde et brillante, des arômes “solaires” de fruits noirs confits, d’épices, de cacao… une bouche riche, suave, longue, gourmande, raffinée et d’une parfaite précision. Voilà qui en dit long sur le sérieux de la maison au fil des siècles et qui doit nous amener à relativiser la notion de hiérarchie entre les terroirs et les villages. Ce n’est faire injure à personne de constater que Beaune est loin d’être l’appellation la plus cotée de Bourgogne, ni même de Côte de Beaune ; quand aux Avaux, ils ne constituent même pas un premier cru de “tête” à Beaune, au même titre que le Clos des Mouches et les Grèves. Et pourtant…
Christophe Tupinier

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