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publié le 28 décembre 2021

Histoires chablisiennes…

De gauche à droite : Frédéric Soupé, Jérôme Garnier, Benoît Droin et Xavier Garnier.

 

 

Retrouvez ci-dessous quelques extraits de la rubrique rencontre du numéro 162 de Bourgogne Aujourd’hui, consacrée à trois domaines qui illustrent bien l’histoire très ancienne et très récente du vignoble de Chablis : création au XVIIème siècle pour le Domaine Jean-Paul et Benoît Droin, au milieu des années 1980 pour le domaine Garnier Père et Fils et d’une certaine façon à… 2018 pour le Domaine Soupé, date de la sortie de la cave-coopérative la Chablisienne.

Ce numéro 162 comprend également un article sur l’actualité des vins de l’Yonne et un guide d’achat de 300 bouteilles, à partir de 7 € la bouteille dans les appellations suivantes : Chablis grand cru, Chablis premier cru, Chablis 2019, Petit-Chablis 2020, Irancy, Saint-bris, Vézelay, Bourgognes identifiés de l’Yonne, rouges et blancs 2019. 

 

 

Quelle définition donneriez-vous de l’identité chablisienne ? Et d’ailleurs, le vignoble de Chablis est-il en Bourgogne ?

Benoît Droin : C’est une bonne question. Chablis a tous les fondamentaux de la Bourgogne -la mise en valeur des climats, le classement- et l’esprit chablisien est bourguignon même s’il y a aussi des points communs avec la Champagne. Par contre, le vignoble de Chablis a quand même une configuration différente et il n’est pas né, géologiquement, de la même façon que les vignobles de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire ; ici, il y a beaucoup de petites vallées, alors que la « Côte », de Beaune ou de Nuits, c’est bien une côte comme son nom l’indique et les vins sont bien sûr très différents.

Jérôme Garnier : Nous sommes purement bourguignons, j’en suis persuadé, mais avec une vraie identité forte, que nous revendiquons et que nous travaillons tous.

 

De l’extérieur, on a également l’impression d’un vignoble à la fois ancien et pionnier. Le Chablisien était mal en point dans les années 1950 et il renvoie aujourd’hui une image dynamique, moderne, ce qui est moins le cas en Côte-d’Or, notamment où les choses semblent plus posées, en place ? Vous le ressentez également ?

JG : Il est évident que c’est un vignoble moderne, où de nombreuses exploitations se sont créées au fil des années à partir de rien, sans historique, où beaucoup d’investissements techniques ont été réalisés.

Frédéric Soupé : Cette renaissance et cette image de pionnier sont aussi liées au fait que Chablis avait un énorme potentiel de production inexploité, et pendant longtemps, nous avons connu chaque année des campagnes de plantation importantes qui n’existaient pas ailleurs en Bourgogne.

BD : J’ai bien vu au lycée viticole de Beaune que le poids de la succession était compliqué à gérer en Côte-d’Or ; il fallait reprendre derrière les parents, mais sans rien changer. Quand je suis arrivé en 1999, mon père m’a dit : « tu fais ce que tu veux » et j’ai rapidement pu imprimer ma patte sur les vins, alors que pour beaucoup de mes copains de Côte-d’Or, le grand-père était encore là et leur père n’avait même pas toujours les commandes.

FS : C’est vrai qu’à Chablis, les successions se font généralement en douceur.

 

La pression sociétale est forte aujourd’hui pour amener les vignerons à passer à la viticulture biologique ou biodynamique certifiée et il ne suffit plus de la dire, il faut le prouver. Cela fait-il partie des choses que vous avez ou que vous allez mettre en place sur vos exploitations ?

BD : En ce qui me concerne, non, parce que je ne supporte pas que l’on me l’impose et je trouve cela très sectaire. Je n’utilise plus de produits CMR depuis longtemps, je travaille les sols et je pense que l’on peut faire aussi bien sans être certifié bio ; en outre, certains points manquent de cohérence dans le bio et notamment le fait que beaucoup y viennent surtout pour des raisons commerciales. Il n’y a pas les bons d’un côté et les mauvais de l’autre, mais de nos jours, ce n’est pas facile de faire admettre qu’il y a aussi beaucoup de bonnes choses au milieu.

JG : Nous allons passer au bio, parce que nous n’avons pas la notoriété de Benoît et pas la même stabilité commerciale. Nous avons donc engagé la conversion en 2021, ce qui n’était pas le millésime idéal… Et puis, la pression vient aussi du vignoble ; avec la nouvelle génération, la moitié des domaines passe en bio, alors cette conversion est aussi réalisée pour stabiliser des relations avec nos clients qu’il a fallu quinze ans pour mettre en place.

 

Pour décrire un vin de Chablis, on fait toujours référence à la minéralité, mais n’est-ce pas un peu réducteur ?

JG : Je pense que l’on oublie un peu trop souvent qu’à Chablis, on peut arriver à produire des vins complets, pleins, riches, dans la gourmandise et pas uniquement dans la tension, dans la vivacité. C’est un aspect qui a été oublié pendant des années.

BD : Tout simplement, parce que le vignoble est encore jeune. Beaucoup de vignes ont été plantées dans les années 1980. Aujourd’hui, ces vignes ont quarante ans, les rendements ont baissé et les vins ont pris du volume, de la complexité. Les terroirs de Chablis parlent. Avant, les bons vins étaient magnifiques, mais les mauvais, il fallait se les coltiner (rires). La qualité des vins est beaucoup plus homogène.

Xavier Garnier : C’est aussi lié au réchauffement climatique qui permet d’avoir de meilleures maturités. On cumule aujourd’hui la fraîcheur et la richesse, ce qui n’était pas toujours le cas il y dix-quinze ans.

BD : Les chablis sont riches, denses, mais quand même ! Cette minéralité, qui s’exprime de différences façons, la craie, le silex, le salin, la coquille d’huître, est un marqueur fort de nos vins et généralement, personne ne se trompe en mettant le nez sur un verre de chablis.

FS : Le chardonnay donne en effet chez nous quelque chose de très typé, avec peu ou pas du tout de notes boisées, la densité et cette minéralité plurielle dont parle Benoît.

 

Le débat cuve-fût a longtemps agité Chablis. C’est toujours le cas ?

BD : Il était virulent à une époque, du temps de mon père, quand il utilisait beaucoup de bois, comme William Fèvre, alors que d’autres refusaient d’en faire ; on est revenu en arrière et à la limite, ceux qui en faisaient le plus hier sont souvent ceux qui en font le moins aujourd’hui. Désormais, beaucoup utilisent les deux, en fonction de leurs terroirs, mais le débat n’est plus vraiment d’actualité et puis, il y a la place pour toutes les techniques et tous les styles.

 

Propos recueillis par Christophe Tupinier

Photographie : Thierry Gaudillère

 

 

Benoît Droin

1975 : Naissance à Auxerre.

1991 : Arrivée au lycée viticole de Beaune. Début d’une grande passion pour l’œnologie et la dégustation des vins de France et du monde.

1996 : Obtention du BTS Viti-Œno à Beaune.

1998 : Obtention du diplôme national d’œnologue à Dijon.

1998-1999 : Service militaire à la préfecture de police de Paris.

1999 : Reprise du domaine.

2004 : Naissance de Louis.

2006 : Naissance d’Iris.

2011 : Élu « Bourguignon de l’année » par Bourgogne Aujourd’hui.

2011 : Naissance d’Amaury.

2013 : Obtient la troisième étoile dans le classement de La Revue du Vin de France.

 

 

Xavier et Jérôme Garnier

1985 : Installation de Xavier et première plantation de vignes en AOC Chablis.

1990 : Création d’un GAEC père/fils avec Joseph.

1992 : Arrêt total de la culture autre que la vigne et construction d’une petite cuverie (60 m2) afin de réaliser la première vinification.

1994 : Suivi de toutes les parcelles en lutte raisonnée et travail des sols systématique.

1999 : Création de la cuvée Grains Dorés et achats des premiers fûts.

2000 : Installation de Jérôme et extension de la cuverie (180 m2).

2005 : Premiers achats en négoce pour compléter la gamme avec un premier cru et un grand cru, et extension des bâtiments, cave à fûts et bureaux (400 m2).

2007 : Création de la SARL pour développer l’activité négoce avec deux premiers crus et deux grands crus.

2008 : Passage de toute la cave en levures spontanées.

2015 : Achat du premier foudre.

2019 : Dernière extension des bâtiments (400 m2) avec une grande cave à fûts afin de développer les grands contenants bois.

2021 : Choix de la conversion en agriculture biologique du domaine qui couvre vingt-cinq hectares aujourd’hui (en Chablis et Petit-Chablis).

 

Frédéric Soupé

1989-1993 : École de Beaune-Grandchamp, diplôme CAPA/BEPA.

1993-1995 : CFPPA de Beaune, diplôme BPREA.

1995-1997 : Stage de 6 mois au Domaine Lucien Jacob, à Échevronne (Côte-d’Or) et à La Chablisienne puis service militaire.

1997 : Entrée sur l’exploitation familiale et création du GAEC SOUPÉ (quatre associés) installé sur douze hectares, livraison 100 % en cave coopérative et début du programme de plantations.

2012 : Le GAEC est transformé en SCEV DOMAINE SOUPÉ (il regroupe les vignes familiales soit 14,5 hectares), en parallèle une 2e SCEV est créée sur 12,5 hectares.

2014 : Départ en retraite de ses parents et reprise du domaine avec son frère.

2016 : Fin du programme de plantation soit 29 hectares au total (14,5 sur chaque structure).

2018 : Sortie du système coopératif et premier millésime vinifié. Conditionnement de 16 000 cols en petit-chablis, chablis, chablis premiers crus Montée de Tonnerre, Mont de Milieu, Vaillons et grand cru Preuses. Lancement des travaux d’un nouveau chai.

2019 : Fin des travaux du chai et première vendange dans le nouveau bâtiment, 15 % de récolte en moins (grêle et gel au printemps plus grillure en été) conditionnement de 14 000 cols.

2020 : 20 % de récolte en moins (gel, grêle au printemps plus grillure en été), conditionnement de 10 000 cols et début commercial pour les millésimes 2018-2019 en circuit traditionnel France.

2021 : Perte de 60 % de la récolte et début de prospection export.

 

 

 

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