Gouges et Lécheneaut font aujourd’hui partie des domaines de référence en Côte de Nuits, mais la ressemblance s’arrête là. Leurs histoires, très différentes, démontrent à quel point la recherche d’un « style » peut être influencée par des facteurs multiples et variés. Au milieu des années 1980, Philippe et Vincent Lécheneaut ont pris la suite de leur père, qui jusqu’alors commercialisait la quasi-totalité de sa production en vrac au négoce, dans un contexte bien particulier : celui du développement de la mise en bouteilles à la propriété et de la mode pour les vins modernes ; une mode qui trouvait d’autant plus d’écho à Nuits-Saint-Georges que le laboratoire de Guy Accad, le « père » des vins modernes, était installé en ville. « Nous avions bien vu les dérives productivistes des années 1970 et 1980. Notre objectif était de lancer la mise en bouteilles à la propriété tout en créant une clientèle à partir de rien ; il nous est apparu évident que ces vins modernes, riches, colorés, qui tranchaient avec le passé, qui avaient bonne presse, étaient la voie à prendre ; et puis la chance a été avec nous avec la belle trilogie des millésimes 1988, 1989 et 1990 qui a permis
de faire des vins modernes bien équilibrés, à partir de raisins mûrs et sains », explique Vincent. On voit donc bien ici que c’est un contexte qui
dépasse largement le cadre du domaine familial qui a conduit les frères Lécheneaut vers une œnologie moderne dont ils ont su tirer le meilleur et sachant jusqu’où ne pas aller.
« La Méthode Accad* a été un choc. Même si sa technique était excessive, Guy Accad a eu le mérite de faire prendre conscience de ce qui n’allait pas en Bourgogne », ajoute Philippe Lécheneaut.
Chez Gouges, la mise en bouteilles de la production des vignes du domaine a été initiée en… 1924 par un personnage quasi mythique en Bourgogne : Henri Gouges. Et à l’époque, on faisait des vins « classiques » à partir de ce que voulait bien donner la nature, un point c’est tout ! Henri Gouges étant mort en 1968, « dans sa cuverie pendant les vendanges », assure Grégory Gouges, qui conduit aujourd’hui le domaine avec son cousin Antoine, le style « classique » Gouges a donc eu tout le temps de s’installer ; les générations suivantes ont remis le vignoble en état, modernisé le matériel, les installations, tout en conservant les mêmes bases techniques privilégiant une forme de minimalisme en cuverie.
« En ce qui nous concerne, cette période moderne n’a finalement pas duré très longtemps, puisque dès le début des années 2000, nous avons donné la priorité au travail du sol, tout en travaillant beaucoup plus en douceur en cuverie », commente Philippe Lécheneaut. « On en revient à ce que disait Henri Gouges : le vin se fait à la vigne et en aucun cas en cuverie », poursuit Grégory Gouges. « Je crois que l’on est tous d’accord pour dire que si l’on a un peu fait le tour de la question en œnologie, c’est loin d’être le cas en agronomie où un énorme travail reste à faire dans les vignes ».
Après la « guerre » modernes-classiques des années 1990, l’heure est désormais en Bourgogne au consensus… au moins en ce qui concerne les vins rouges.
Christophe Tupinier
*Méthode basée schématiquement sur l’adjonction de doses massives de SO2 sur de la vendange froide dans le but de favoriser une extraction importante de couleur et de matière avant même le départ des fermentations alcooliques.
Il vous reste les deux-tiers de l’article à lire, ainsi que l’ensemble du dossier “25 ans en Bourgogne” publié dans le numéro 149 de Bourgogne Aujourd’hui, qui comprend également des guides d’achat des vins de Beaune et Morey-Saint-Denis ; un supplément Beaujolais Aujourd’hui est joint à Bourgogne Aujourd’hui, ainsi qu’un tableau des 25 derniers millésimes (1994-2018). Vous pouvez acheter le tout au numéro et/ou vous abonner.
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