Tous les amateurs de cinéma anglais gardent en mémoire la lumineuse interprétation de la comédie de Shakespeare “Beaucoup de bruit pour rien”, réalisée (et interprétée) au début des années 1990 par l’excellent Kenneth Branagh ; la pétillante Emma Thompson lui donnait alors la réplique. “Mais où veut-il en venir ?”, vont sans doute se demander certains et c’est une bonne question. Venons-en d’abord à l’actualité palpitante de ce début d’année dans le Beaujolais, où l’on n’a rien trouvé de plus intelligent à faire, alors que la région commence à peine de sortir la tête de l’eau, que de se déchirer entre la buche de Noël et les douze coups de minuit du jour de l’an. Les faits et rien que les faits pour commencer !L’ODG (organisme de gestion) des 10 crus du Beaujolais a annoncé juste avant Noël, par voie de communiqué de presse, sa décision de quitter l’Union des Vignerons du Beaujolais (UVB) : “Pour reprendre l’entière gestion administrative et financière de notre organisme”, a expliqué Andrey Charton, la présidente de l’ODG des crus dans les colonnes du journal Le Progrès (23 décembre 2014). Et madame Chartron de poursuivre : “Il apparaissait des objectifs, des préoccupations, des attentes, des organisations, de plus en plus différentes entre les deux familles beaujolais-beaujolais villages et les crus. Il nous a donc semblé nécessaire de mieux séparer nos actions, pour une plus grande efficacité de chacune de ces deux familles”. Denis Chilliet, secrétaire général de l’UVB et vigneron en appellations régionales à Dénicé, n’a pas apprécié et lui a bien sûr répondu dès le début d’année, regrettant qu’aucune information préalable n’ait été transmise à l’UVB sur ce projet : “Nous n’avons pas été destinataire du communiqué de presse de l’ODG des Crus du Beaujolais ce qui montre (…) la volonté de rompre le dialogue avec l’UVB”. Ambiance…
Quelques Florentins sans doute bien informés ou désinformés, allez savoir, croient savoir que derrière tout cela se cacherait l’intention inavouée des crus du Beaujolais de rejoindre la florissante Bourgogne voisine, ce dont Denis Chilliet est même persuadé : “Nous sommes étonnés que le communiqué de presse de l’ODG des crus ne fasse pas mention de la volonté du Conseil d’Administration des Crus du Beaujolais de rejoindre les instances bourguignonnes”. Bien sûr, les deux régions ont toujours été historiquement et économiquement liées et les liens sont même de plus en plus étroits année après année, mais elles sont aussi très différentes sur de nombreux points. Alors, sans même préjuger de la possibilité juridique pour les crus de rejoindre ou pas les instances bourguignonnes (lesquelles d’ailleurs ? Mystère…), prévenons immédiatement les vignerons des crus du Beaujolais qu’ils ne faut pas qu’ils se fassent trop d’illusions si telle est leur intention. La Bourgogne n’est pas totu à fait aussi aussi unie et accueillante que cela. Depuis 20 ans, Chablis menace à intervalles réguliers de quitter le bateau bourguignon pour finalement rester à bord. De plus, en sachant que certains vignerons de Côte-d’Or ont parfois encore un peu de mal à situer géographiquement le Mâconnais (50-60 km environ au sud de Beaune), nous ne sommes pas certains qu’ils soient prêts à accueillir à bras ouverts leurs homologues des crus du Beaujolais. N’oublions également pas le conflit encore en cours sur l’utilisation du mot bourgogne dans le Beaujolais. Et puis, il est toujours utile de ne pas avoir la mémoire trop courte. Il y a 20 ans, le tout Paris se pressait en Beaujolais pour fêter la sortie du Beaujolais nouveau, alors que la Bourgogne étaient clouée au pilori par la presse pour la médiocrité de ses vins. C’est aujourd’hui le contraire, mais allez savoir ce qu’il en sera dans 20 ans ?
“Pfff, c’est de la petite politique tout cela et cela n’a aucun intérêt”, pensent sans doute beaucoup d’entre-vous. Nous aussi un peu et pour être franc, en sachant que quelques “pompiers” et diplomates sont déjà à l’oeuvre pour tenter de recoller les morceaux, il n’est pas exclu que tout rentre rapidement dans l’ordre. D’où notre titre “Beaucoup de bruit pour rien ?”, le point d’interrogation restant quand même de rigueur.
Ceci étant, tout ceci est quand même un peu navrant dans la mesure ou la “séquence” est évidement très négative pour le Beaujolais. Un peut partout, les “journalistes” et blogueurs (blagueurs ?) sans doute encore anesthésiés par les excès de nourriture et les vapeurs d’alcool se sont rués sur l’information faisant des gorges chaudes sur “le Beaujolais qui se déchire”. Pensez-donc, la crise, cela fait toujours vendre et puis après tout, même sans jamais goûter les vins, c’est toujours bon de cogner sur le Beaujolais qui est déjà la tête de Turc préférée de beaucoup depuis des années. Nous ne voulons surtout pas chercher à savoir qui a tord ou raison dans cette affaire, mais une chose est sûre : c’est un zéro pointé en communication !Pour conclure, nous vous donnons enfin un rendez-vous, celui de la manifestation Bien Boire en Beaujolais qui se tiendra cette année encore dans le cadre magnifique du Château de Pizay (à Villié-Morgon – 69), le 13 avril 2015. La fine fleur du vignoble sera présente, celles des crus, mais aussi des beaujolais et beaujolais-villages et elle vous permettra de constater que le Beaujolais est loin d’être aussi minable et à la traine que certains pourraient le penser.
Christophe Tupinier
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