Pourquoi ce titre « Le vin et le Vent » ?
Cédric Klapisch : L’idée m’est venue de l’expression « des racines et des ailes » ; c’est
une phrase de la Bible qui dit que la seule éducation que l’on peut
donner à ses enfants, c’est des racines et des ailes. Le film parle donc
d’une forme d’opposition entre le voyage, le mouvement et le terroir,
qui est immuable. Le personnage principal est un fils de vigneron parti à
l’âge de 20 ans vivre en Australie
et qui revient dix ans plus tard au chevet de son père malade. Ses
racines sont donc la Bourgogne, le vin, mais il s’est installé en
Australie, a fondé un foyer, tout en faisant le tour du monde des
régions viticoles. En revenant en Bourgogne, il se demande forcément
s’il est encore ici chez lui. On parle beaucoup aujourd’hui de ces
questions d’identité liées à un lieu et j’observe que les gens peuvent
avoir une double culture.
Vous avez filmé les vendanges. C’est quelque chose qui vous a particulièrement marqué ?
Les vendanges sont un moment très fort. Les gens viennent de partout
pour faire les vendanges ici. D’ailleurs, ce qui se passe avec le
tourisme en Bourgogne est assez troublant car les lieux aussi ouverts
sont assez rares en France.
On a l’impression que le monde entier passe à Beaune. La Bourgogne est
un carrefour soumis à diverses influences ; l’Italie est proche, les
Alpes également, c’est entre Lyon et Paris. On sent que c’est au milieu
de beaucoup de choses et cela m’a surpris. C’est un point de vue de
Parisien, mais on connaît mal le côté cosmopolite de la campagne et la
Bourgogne du vin est une campagne à la fois rurale, terrienne et très
cosmopolite.
Votre film devait-il obligatoirement se tourner en Bourgogne ?
Le film raconte l’histoire d’une famille avec des problèmes
d’héritage, des questions liées aux terroirs et c’est quand même très
bourguignon. Le Bordelais par exemple est différent ; on trouve des
groupes financiers et la notion de château bordelais peut comporter des
aspects familiaux, mais cela semble plus industriel et très éloigné du
modèle bourguignon familial et artisanal. Ce côté artisanal me plaît ;
il y a un rapport étroit entre le cinéma d’auteur que je fais et le vin
de Bourgogne. Quand Jean-Marc Roulot* met son nom sur la bouteille, il
est l’auteur du vin. Je trouve aussi qu’il y a quelque chose de magique
sur cette route des vins qui parcourt une région finalement assez petite
et unique au monde. C’est un endroit particulier, emblématique, à la
fois « grand » et artisanal.
L’ivresse sera-t-elle présente dans « Le Vin et le Vent » ?
Bien sûr et c’est presque le sujet du film. La vigne et le vin
constituent un monde très raisonné, organisé, scientifique, maîtrisé et
tout cela est finalement au service d’une chose : l’ivresse. Le
rationnel rencontre l’irrationnel.
Que vous inspire la politique prohibitionniste menée en France depuis les années 1980 ?
Je la comprends, parce que l’on sait que l’alcool tue, qu’il faut
bien réglementer la publicité pour ne pas inciter à boire, mais
paradoxalement, je vais être le premier dans mon film à dire aux gens de
boire du vin.
Vous risquez la censure ?
Je ne crois pas. Le cinéma est encore un lieu de liberté et on sait
bien dans un roman ou un film que si l’on ne peut plus parler des
tueurs, des violeurs ou des gens qui prennent de la drogue ou de
l’alcool, on ne parle plus de rien. On est obligé d’accepter ce qui est
illicite dans les films.
Quel rapport entretenez-vous avec le vin : convivialité avant tout ou plus sérieux ?
J’achète depuis longtemps, j’ai plaisir à boire du vin, alors j’ai
une bonne cave. J’ai beaucoup mélangé Bordeaux et Bourgogne, donc je
connais un peu les deux régions. Je compare aussi, même si ce sont des
goûts très différents. Mon approche est « sérieuse » mais pas trop.
J’aimerais prendre des cours pour être capable de mettre des mots sur ce
que je ressens, tout en recherchant surtout les moments de partage avec
des amis.
Êtes-vous plutôt vins rouges ou vins blancs ?
J’étais plutôt vins rouges avant de passer du temps à Meursault
(rires). En général, les gens dans l’équipe de tournage connaissaient
mieux le vin rouge et ils ont tous été étonnés par la sophistication des
grands vins blancs de Bourgogne.
Préférez-vous les vins jeunes ou les vins vieux ?
J’ai le goût aux vins vieux et c’est aussi ce qui est dit dans le
film. Le vin est sans doute le seul produit alimentaire qui s’améliore
avec le temps et on parle de décennies, pas d’années. C’est fascinant
(…) J’aime l’idée du vieillissement pour les vins. Ce travail du temps
colle à l’image de la Bourgogne.
N’est-ce pas aussi un produit qui va à contre-courant de la société actuelle ?
Complètement, oui. Aujourd’hui, il faut « servir frais ». Ce qui est
bon doit être consommé très vite. C’est vrai des films et cela peut
l’être également des vins, alors que j’aime bien apprécier les choses
lentement ou voir de vieux films.
Christophe Tupinier
L’intégralité de l’interview est à lire dans le numéro 127 de Bourgogne Aujourd’hui, déjà disponible en ligne et en kiosques à partir du 12 janvier.
*Jean-Marc Roulot, vigneron à Meursault (21), acteur de cinéma et de théâtre, joue dans le film de C. Klapisch.
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