La rubrique Rencontre du numéro 137 de Bourgogne Aujourd’hui est consacrée à Dimitri Bazas, oenologue d’origine grecque, directeur technique de la plus ancienne maison de négoce de Bourgogne : Champy, à Beaune (21). Morceaux choisis…
Quand vous-êtes vous installé
définitivement en Bourgogne ?
Après mon DNO (en
1988, à l’Université de Bourgogne), je suis reparti en Grèce pour travailler chez un gros négociant
industriel mais cela ne m’a pas convenu. Kyriakos Kynigopoulos que tout le
monde connaît en
Bourgogne, est lui aussi
oenologue et il est comme moi originaire de Thessalonique, la grande ville du nord. Il était déjà établi
ici, il avait besoin de quelqu’un et j’ai sauté sur l’occasion pour prendre mes
fonctions en Bourgogne en juin 1991 comme deuxième oenologue du laboratoire
SGS OEnologie, à l’époque
propriété d’une multinationale suisse.
Au début des
années 1990, le
laboratoire SGS était une sorte de symbole d’une école d’oenologie que l’on a
qualifié de « moderne », dont l’objectif très schématiquement était
de produire des vins plus colorés, plus riches, plus proches du fruit. Comment
expliquez-vous le succès de cette école qui a rapidement eu de nombreux
adeptes en Bourgogne ?
Les
Bourguignons étaient tellement critiqués pour leurs vins rouges souvent dilués,
il faut le reconnaître,
qu’ils avaient besoin de changement : dans les vignes, en vinification, en
élevage aussi ; à la fin des années 1980, j’ai vu un grand vigneron de Gevrey-Chambertin
élever son chambertin grand cru en cuve émail ; c’est inimaginable
aujourd’hui ! L’oenologue Guy Accad, avec sa fameuse méthode, avait déjà
secoué le cocotier, avec peut-être un peu trop de rudesse, et nous sommes
arrivés avec des techniques plus douces, plus scolaires. Alors au début, cela
nous a un peu « piqués »
d’être qualifiés de « modernes », parce que nos clients étaient des
domaines réputés, anciens et traditionnels de Bourgogne, mais peu importe.
Cette vision iconoclaste de l’oenologie a fait notre force. On poussait les
vignerons à changer et cela leur plaisait ; en Bourgogne, les gens sont
curieux. Notre prospection se faisait très simplement en disant :
« on partage une cuve en deux, sur la première moitié, je vinifie à ma
façon, sur la seconde,
vous faites comme d’habitude et on regarde le résultat à la fin ».
Ce terme de
moderne avait souvent une connotation
péjorative et j’ai entendu dire : « Les Grecs, ils font des vins noirs, concentrés, mais ce ne
sont plus des vins de Bourgogne »…
Je l’ai aussi
entendu, mais cela ne m’a pas blessé parce que ces vins étaient bons et ils se
vendaient bien. Par contre, mea culpa,
avec quelques domaines qui en 1996, 1997 et, point culminant, 1998, ont voulu rouler des mécaniques, on a produit des vins
surextraits et surboisés en allant à la limite de l’exercice. C’était une
erreur, mais tout est rentré ensuite dans l’ordre. Ces années 1990 ont marqué une vraie
rupture en Bourgogne avec des changements de fond dans les cuveries d’abord,
puis dans les vignes après le traumatisme du millésime 1994 marqué par la pourriture ; dès l’année
suivante, les tables de
tri sont arrivées dans les domaines.
Peut-on dire
que les années 1990 ont
été celles de l’oenologie
triomphante et les années 2000, celles du retour au vignoble ?
Tout à fait
d’accord. Certains avaient pris conscience bien avant, mais les gens ont alors massivement
réalisé que les grands vins ne se faisaient pas qu’en cuverie et que cela
commençait à la vigne. Le passage de quelques grands domaines comme Leflaive,
Lafon… à la biologie et à la biodynamie,
a marqué les esprits et lancé un mouvement de fond de retour aux bases, à
l’essentiel. Chez Champy,
nous avons commencé d’agrandir le domaine dans les années 2000 et petit à petit, nous avons suivi des formations en bio
avec Pierre Masson pour engager une conversion officielle en 2007 du Domaine Champy.
Les prix des
vins et du foncier viticole augmentent tous les ans, des domaines « stars » se vendent à prix
d’or… La Bourgogne
file-t-elle un mauvais coton ?Difficile à
dire. J’observe simplement qu’en vingt-trente ans, la
Bourgogne a perdu 1 000 domaines, la taille moyenne
des exploitations a beaucoup augmenté et cette concentration enlève un peu de
cette « biodiversité humaine » si importante ici. Les domaines
grossissent, ils ont des salariés, alors je ne veux pas faire le « vieux
con » qui trouve que c’était mieux avant, mais il faut faire attention à
garder l’âme bourguignonne. Quand je suis arrivé dans la région, le patron se
levait le matin pour tailler la vigne et s’il arrivait que demain cela ne soit
plus le cas, le rapport du vigneron au vignoble ne serait plus le même.
Quant au négoce, les grandes maisons ont beaucoup grossi, mais elles ont
toujours un côté artisanal en étant capables de gérer trois
pièces d’un grand cru comme une cuvée de 500 000 bouteilles de bourgogne
blanc ; il faut que cela continue.
L’intégralité de l’interview est à lire dans le numéro 137 de Bourgogne Aujourd’hui qui vient de sortir. Vous pouvez l’acheter au numéro et/ou vous abonner.
16 mars 2023
15 mars 2023
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