Il a une bonne bouille “Tony” Forest et la photo un peu jaunie montre à l’évidence un homme qui ne manque ni d’humour ni de caractère. Mais au fait, le connaissez-vous ce Tony Forest, Antoine de son vrai prénom ? Sans doute pas et c’est à la fois logique et dommage. Logique car cela fait déjà près de 60 ans qu’il a disparu : en 1956. Antoine Forest était né en 1882 et il a survécu aux deux guerres mondiales. Dommage car il fait à l’évidence partie de ces vignerons oubliés par le temps, qui ont pourtant ouvert la voie à ceux qui brillent aujourd’hui sur le devant de la scène. Pour conclure l’exceptionnelle dégustation verticale de pouilly-fuissé que nous présentons dans ce numéro 121 de Bourgogne Aujourd’hui, Chloé Bayon (Manoir du Capucin est le nom qu’elle a donné au domaine familial en le reprenant au début des années 2000) nous avait confié comme un trésor un pouilly-fuissé Le Clos (de Solutré) 1947 de son arrière grand-père Antoine Forest, à l’époque domaine Bayon-Forest. Et quel vin !!! Une analyse réalisée il y a quelques années de cela sur une autre bouteille avait donné des résultats tout à fait improbables par rapport aux normes actuelles : 14,2 degrés naturels et encore 5 ou 6 grammes de sucres résiduels. De quoi faire pâlir un oenologue de ce début de XXIème siècle.
Et pourtant, on imagine bien Tony Forest, plein de bon sens paysan, labourant ses vignes au cheval, ravi de récolter de beaux raisins bien mûrs et dorés, ce qui n’arrivaient pas tous les ans au milieu du XXème siècle. Il faisait bien un peu chaud pendant ces vendanges 1947 (très chaud même…), mais il suffisait de récolter un peu plus tôt le matin ou tout simplement de laisser les raisins refroidir pendant la nuit pour s’en occuper le lendemain. On imagine, sans en être sûr faute d’écrits, mais beaucoup ont procédé ainsi à cause de la canicule. On l’imagine aussi monter son vieux pressoir vertical qui ne faisait pas dans la dentelle mais qui avait le mérite de bien extraire tout le contenu de ses grappes de chardonnay : le jus bien sûr, mais surtout la PULPE, cet “extrait sec” que l’on obtient qu’en écrasant bien la peau et qui est l’une des clefs du vieillissement des vins blancs. Et pour finir, Tony, entonnait ses pouilly-fuissé plein de bonnes lies dans de vieux fûts, ou de vieux foudres qu’il avait pris soin d’entretenir, de bien “mécher” au soufre. Quant à la mise en bouteille, rien ne pressait et elle se faisait quand le moment était venu, après un bon élevage. Au fait, Tony n’était pas qu’un vigneron, mais aussi un homme de marketing. Il avait déjà compris que revendiquer sur l’étiquette le nom du lieu dît, en l’occurrence le Clos pour ce 1947, constituait “l’ADN” de cette grande Bourgogne dont le cru pouilly-fuissé fait partie depuis toujours.
“Je suis émue de voir notre
Pouilly-Fuissé Réserve des Capucins Le Clos 1947
récompensé 67 ans plus tard .
C’est l’occasion pour moi
de rendre hommage à mon arrière grand-père. Son empreinte est encore présente dans le
Manoir à travers ses récompenses, ses tableaux
humoristiques, sa photo à côté de son fût… Il était
déjà bien conscient de la qualité de certains grands
terroirs du Pouilly-Fuissé puisqu’il avait lui même
fabriqué un écriteau en bois révélant ses meilleurs
climats.
Je le remercie aujourd’hui
d’avoir transmis à sa famille cet amour et cette
passion pour son domaine, puisque, même s’ils ne l’ont
pas exploité, mes grands parents et mon père ont
agrandi et conservé ce magnifique patrimoine que je
suis fière de faire revivre depuis 2002″, écrit Chloé Bayon dans un petit mot qu’elle a envoyé à la rédaction. Mais au fait, c’est quoi exactement un pouilly-fuissé 1947. Et bien la robe révèle des nuances
topaze, miel. 1947 est une année “chaude” nous l’avons déjà dit et au nez s’exprime tout le registre des notes de maturité, de soleil :
épices (cannelle, curry, safran…), caramel, noisette grillée, marmelade
d’oranges, une pointe truffée, etc. La bouche est riche, pleine, d’une gourmandise
folle, enrobée et d’une grande finesse. Un vin sublime et délicieux. C’est cela un grand vin blanc de Bourgogne à son apogée. Nous remercions Tony pour ce 1947 qui figure dans le “Top 5” des plus grandes bouteilles de vins blancs de Bourgogne que nous avons eu la chance de déguster. Si avec des vins de ce calibre, pouilly-fuissé ne décroche pas rapidement ses premiers crus, c’est à n’y rien comprendre !
Christophe Tupinier
29 juin 2022
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