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publié le 27 décembre 2022

Les femmes aux commandes !

 

Il y a deux et demi, en plein confinement, nous avions décidé de mettre en ligne jour après jour le dossier complet publié dans notre numéro “spécial 25 ans” ; un numéro consacré à ce quart de siècle qui a tout changé en Bourgogne et en premier lieu avec l’arrivée des femmes aux commandes. Retrouvez ci-dessous l’article complet publié dans le numéro 149 de Bourgogne Aujourd’hui.
Le numéro 168 de Bourgogne  Aujourd’hui est en vente sur ce site et chez tous les bons marchands de’ journaux. Vous pouvez également vous abonner pour recevoir début février 2023 notre prochain numéro consacré notamment aux crus du Mâconnais, à la tonnellerie bourguignonne et avec une interview exclusive de Yannick Alléno, le grand chef parisien. 

 

Dans le premier numéro de Bourgogne Aujourd’hui paru en décembre 1994, la présence des femmes se résume à une photo prise à l’occasion de la Vente des Vins des Hospices de Beaune. Dans le numéro 50, daté de février 2003, elles sont huit à faire partie du jury d’une quarantaine de dégustateurs et sont présentes parmi les domaines mis en avant. Il s’agit précisément de Martine Barraud, Nathalie Saumaize et Armelle Rion, qui prennent la pose aux côtés de leurs maris. En juin 2011, pour le numéro 100, une brève évoque les dix ans de l’association Femmes et Vins de Bourgogne et l’on retrouve une dizaine de femmes au fil des pages de ce spécial millésime…
Nadine Gublin, oenologue bien connue et respectée en Bourgogne, fait partie des pionnières. Originaire de l’Aube, elle est tombée dans la marmite du vin par hasard. « Après un bac scientifique, j’ai entamé une prépa Maths Sup à Reims. Voyant que je n’irais pas forcément au bout, le directeur m’a convoqué et orienté vers des études d’oenologie, dont c’était à l’époque les balbutiements. Michel Feuillat arrivait alors à l’Institut Universitaire de la Vigne et du Vin à Dijon et j’ai décidé de suivre en 1977 la formation pour le Diplôme National d’OEnologue. Nous étions cinq étudiantes dans une promotion d’une trentaine de personnes ».
Aujourd’hui, la donne a bien changé comme l’explique Marielle Adrian, la directrice de l’IUVV. « L’effectif s’est féminisé au cours du temps, avec des proportions filles-garçons globalement équilibrées et qui peuvent encore varier d’une année à l’autre dans certains diplômes ». En 2016 par exemple, les deux tiers des effectifs de la première année de DNO étaient féminins et pour moitié en 2018. En licence Sciences de la Vigne, les étudiants masculins restent majoritaires tandis que pour le master 2 Vigne, Vin, Terroir, les effectifs s’équilibrent.

 

Une évolution en douceur

 

Diplômée en 1979, Nadine Gublin a fait ses armes dans un laboratoire du Mâconnais pendant trois ans. « C’était une excellente école, formatrice, avec tous les cas de figure possible et de nombreux contrats dans le Beaujolais et le Mâconnais ». En 1982, elle rejoint la Maison Antonin Rodet à Mercurey qui cherchait un deuxième oenologue, passe par le Château de Rully, avant de s’installer en 1989 à Meursault, chez Jacques Prieur, où elle assurera en 1990 sa première vinification. Trente ans plus tard, elle y joue toujours le rôle d’oenologue-conseil, ainsi que pour les deux autres domaines du propriétaire, la famille Labruyère, dans le Beaujolais et en Champagne. « Quand j’ai débuté, les femmes étaient peu nombreuses dans
les métiers du vin. Dans les domaines familiaux, elles travaillaient aux côtés de leurs maris. L’évolution s’est faite en douceur. J’aurais pu avoir une pression en tant que femme, mais j’ai immédiatement aimé mon métier et su me rendre disponible. La suite s’est faite naturellement. Je ne pourrais pas dire si le fait d’être une femme est un avantage ou un inconvénient. Ce que je sais, c’est qu’il s’agit d’un métier où il faut être curieux, à l’écoute et observer. La transmission est très importante pour moi, c’est pourquoi j’ai l’habitude de prendre régulièrement des stagiaires. Je réponds favorablement à celui qui m’écrit en premier, et il est vrai que les jeunes femmes sont de plus en plus nombreuses, certaines étant vraiment brillantes. Le Nouveau Monde a ouvert la voie dans ce sens, dans les années 1990-1995. En Australie, en Californie, en Afrique du Sud, les femmes étaient déjà bien présentes et cela a ouvert les yeux à l’Ancien Monde, qui a suivi le mouvement un peu avant les années 2000 ».

 

Un choix réfléchi

 

En avril 2018, nous avons donné la parole à trois vigneronnes, membres de l’association Femmes et Vin de Bourgogne, créée en 2000 et présidée désormais par Nathalie Fèvre, vigneronne à Chablis, rejointe depuis peu par sa fille Julie sur le domaine familial. Sophie Cinier, Lorraine Senard et Virginie Taupenot confient exercer un métier qu’elles ont choisi, sans qu’on leur impose. Dans la famille de Lorraine Senard, son père était le seul garçon et il n’a eu qu’un fils. « C’était acté que mon frère devait reprendre le domaine, sauf qu’à 18 ans, il est parti. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à y penser ». Sophie Cinier doit, elle, sa passion pour le vin à son grand-père maternel. « C’était un personnage, qui a fait partager beaucoup de choses à ses sept petits-enfants. On est cinq à travailler dans le vin aujourd’hui alors on peut dire qu’on est tombé dans la
marmite, comme Obélix ! J’adore être à la vigne et j’aime aussi de plus en plus vinifier. Mon père était artisan et ma maman travaillait avec lui. Quand il a arrêté son activité, elle est beaucoup venue à la vigne avec moi. C’est elle qui m’a appris à travailler, comme son père l’avait fait avec elle quand elle était jeune ».
L’association Femmes et Vins de Bourgogne a mis quelque temps à trouver sa place dans le monde viticole. « Au début, il y a eu des railleries, du
genre « Tiens, il y a le MLF du vin qui se crée », mais petit à petit la reconnaissance est arrivée », se souvient Virginie Taupenot. « En 2010, la Confrérie des Chevaliers du Tastevin nous a demandé de faire une intervention pour le chapitre des Roses. Ils nous ont fait confiance, sans demander à relire notre discours ». « On veut simplement la reconnaissance de notre place et de notre travail dans un milieu qui à l’origine n’était pas féminin », précise Sophie Cinier.

 

Une jeune génération ambitieuse

 

La féminisation du métier de vigneron s’est accélérée avec l’arrivée d’une nouvelle génération. Si les femmes étaient déjà à la tête de quelques très beaux domaines dans les années 2000 (Alexandrine Roy à Gevrey, Marie-Laure et Marie-Anne Bouzereau à Meursault, Ludivine Griveau chez Corton-André avant de rejoindre le Domaine des Hospices de Beaune en 2015, et bien d’autres), les moins de 30 ans arrivent aujourd’hui en force : Amandine Renaud à Solutré-Pouilly, Clarisse et Anne-France Ramonet à Chassagne-Montrachet, Mathilde Grivot à Vosne-Romanée, Aurélie Cheveau à Pouilly, cette dernière étant même désormais présidente du cru Pouilly-Fuissé, etc. Toutes disposent d’un solide bagage.

C’est notamment le cas d’Amélie Berthaut, à Fixin, qui incarne la jeune génération bourguignonne aux commandes de nombreux domaines familiaux, après s’être construit une expérience lors de stages à l’étranger. La jeune femme ne se destinait pourtant pas au métier de vigneronne. Elle suit des études d’agronomie, choisit l’option oenologie et a finalement le déclic lors d’un stage à Bandol, dans un domaine viticole tenu par une femme. Après un DNO à Bordeaux et des stages en Californie et Nouvelle-Zélande, elle pose ses valises à Fixin, en 2013. Installée à Marsannay, Isabelle Collotte a toujours su qu’elle serait vigneronne. « J’ai été fille unique pendant sept ans et je traînais toujours dans les pattes de mon père. Après le collège, c’était évident que j’irais au lycée viticole de Beaune ».
Les femmes sont également présentes aux responsabilités dans des structures plus importantes, à l’image de Véronique Drouhin, Francine Picard, Nathalie Boisset ou encore Ève Faiveley.
Preuve que la place des femmes dans l’univers des vins de Bourgogne ne fait que s’accroître, la Foire aux Vins de la Cave des Climats à Paris, qui était dédiée fin septembre… aux vigneronnes bourguignonnes ! « Depuis le début de l’aventure des Climats, nous avons eu la chance de rencontrer de merveilleuses vigneronnes en Bourgogne qui savent particulièrement mettre en valeur toute la subtilité des terroirs », expliquent Denis Jamet et Carole Colin, les propriétaires du restaurant et de la cave des Climats, dans le 7e arrondissement de Paris. « Dans cet univers encore largement masculin, nous avons eu envie de mettre en avant leur travail et leur talent chaque année, en leur dédiant notre Foire aux Vins ».

 

Première MOF

 

Poussons un peu les portes de la Bourgogne, pour saluer une femme, Pascaline Lepeltier, première femme à avoir été élue Meilleur Ouvrier de France à l’automne 2018. En 2016, en poste au restaurant Racines, à New York, elle décide de se présenter au concours. Et débute un entraînement intensif, qui durera deux ans.” C’est le diplôme qui m’intéressait le plus, ça va bien au-delà de la technicité savante, ça parle aussi beaucoup de transmission”, confiait la jeune femme dans les colonnes du magazine féminin Glamour. Celle-ci n’a jamais ressenti le fait d’être une femme sommelière comme une difficulté. “Le problème du manque de représentation féminine existe mais il est structurel, pas particulièrement lié au monde du vin”, explique-t-elle. « Comme partout, on est surtout beaucoup moins nombreuses à arriver à la tête d’une entreprise. Pareil pour les concours, qui demandent beaucoup de temps et beaucoup d’investissement personnel. C’est un sujet sur lequel la sommellerie doit encore progresser ».
En Bourgogne comme ailleurs, le train de la féminisation est bel et bien lancé. Saluons pour conclure la récente création d’une association, réunissant une dizaine de jeunes vigneronnes : Mi-filles Mi-raisins. Avec pour slogan, « discrètes mais pas secrètes », elles entendent faire la promotion d’appellations moinsconnues.

 

Elisabeth Ponavoy

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