Oregon, Californie, Afrique du Sud, Suisse, Porto, Minervois, Alsace, Bordeaux, Champagne… Le monde ne manque pas de vignobles intéressants, dans lesquels des Bourguignons ont investi et ce parfois depuis des décennies. Dans son numéro 167, Bourgogne Aujourd’hui consacre un dossier à ces vignerons et vigneronnes de Bourgogne qui sont allés voir “ailleurs”.
Retrouvez ci-dessous les témoignages de Philippe Colin, vigneron à Chassagne-Montrachet, qui a posé ses valises en Afrique du Sud en 2014 et de Véronique Drouhin, dont la maison familiale (Joseph Drouhin, à Beaune) est installée en Oregon (USA) depuis 35 ans.
Ce dossier comporte d’autres témoignages, un article complet sur le sujet et un guide d’achat d’une cinquantaine de belles cuvées pour tous les goûts et tous les budgets.
Véronique Drouhin
Domaine Drouhin Oregon
Une aventure familiale
Après l’obtention de son diplôme national d’œnologue et à l’issue d’un stage à Bordeaux, Véronique Boss-Drouhin a des envies d’ailleurs. « Je pensais à la Californie, mais mon père me suggère plutôt l’Oregon. En 1986, je pars là-bas pour quatre mois et travaille dans trois domaines. Je noue de vrais rapports d’amitié et les vignerons que je rencontre me disent qu’ils aimeraient beaucoup que des Bourguignons fassent du vin en Oregon ! J’en parle à mon père mais cela lui semble difficile de mettre en œuvre et de maîtriser deux domaines… En 1987, il est invité à l’International Pinot Noir Celebration et un des vignerons chez qui j’avais fait un stage lui dit qu’un terroir est à vendre à côté de son domaine. On visite mi-juillet et le coup de foudre est immédiat ! Mon père me propose un deal : si tu es d’accord pour faire les vins ici, on y va ! La terre n’était pas chère, nous n’avions pas de bâtiments et dans un premier temps, on loue et on achète des raisins. Dès 1988, on plante et on vinifie une centaine de pièces de pinot noir. On ramène des échantillons en Bourgogne, on fait goûter les vins, ils plaisent et rapidement la presse s’y intéresse. L’année suivante, on construit la première cuverie par gravité des États-Unis. C’est important de dire que nous avons été accueillis comme des amis, pas comme des étrangers. J’aime toujours autant y aller. Les gens ont un côté très terrien, ils sont détendus. On reçoit généralement six stagiaires par an, souvent bourguignons d’ailleurs… et après trente-cinq années, nous ne sommes plus les seuls présents là-bas ! ». En Oregon, le terroir est majoritairement volcanique et basaltique. « La chaîne de montagnes rocheuses a son importance ici », souligne Véronique Boss-Drouhin. « Les terres sont rouges, riches en oxyde de fer et donnent des vins plus colorés qu’en Bourgogne. On retrouve souvent des notes de fruits noirs et d’épices, avec un beau grain de tanins, qui pourrait être la synthèse d’un chambolle et d’un gevrey. Les vins ont naturellement une belle structure, il ne faut pas chercher à trop extraire, pour préserver la finesse. L’aventure en Oregon est vraiment celle de notre famille. Mon frère Philippe a en charge toute la viticulture. J’y suis allée avec chacun de mes trois enfants, mes filles ont travaillé avec moi là-bas et maman n’a pas raté un millésime depuis 1988. Elle est toujours dans l’ombre mais goûte très bien ».
Philippe Colin
Topiary Wines
Une offre œnotouristique complète
À l’occasion d’un voyage en Afrique du Sud pour découvrir les vins début 2010, Philippe Colin prend la mesure du potentiel de cette région. « J’ai goûté de beaux vins, produits la plupart du temps par de grosses entités. En 2014, je saute le pas et cherche un domaine à acheter. J’ai fait huit visites et j’ai eu un coup de cœur en arrivant à Topiary avec des vignes d’une quinzaine d’années et une cuverie neuve et opérationnelle, bien pensée et avec tout l’équipement nécessaire. J’ai conservé le nom du domaine qui fait référence à l’art topiaire, qui consiste à sculpter et tailler les végétaux dans un but décoratif. On cultive aujourd’hui vingt hectares, sur un potentiel de 65. L’avantage de ce pays, c’est que le climat est inversé par rapport à la France, ce qui me permet d’être présent aux deux endroits pour les moments importants. Quelqu’un m’épaule sur place mais je n’ai pas de régisseur, c’est moi qui fais les vins. Au moment des vinifications, je reste en Afrique du Sud pendant deux mois. J’ai retrouvé ici la mentalité de la Bourgogne d’il y a vingt-cinq ou trente ans. Nous sommes souvent confrontés au risque de feux et il y a une vraie entraide entre tous les vignerons. Les échanges sont positifs, on s’écoute et ils ont le vignoble français en exemple. On travaille avec les locaux, qui si on les considère bien, nous le rendent bien ».
En Afrique du Sud, l’œnotourisme occupe une place de choix. « À Franschhoek, la ville où le domaine est installé, il y a 65 restaurants pour 3 000 habitants ! On en a d’ailleurs ouvert un à Topiary, en plus des maisons d’hôtes que l’on propose. La clientèle qui vient du nord du pays est assez importante. La moitié de nos vins sont d’ailleurs distribués en Afrique du Sud. Depuis 2015, notre premier millésime, la clientèle s’est développée. Notre importateur américain pour les vins du domaine à Chassagne a rapidement distribué nos vins de Topiary. On a des marchés comme l’Île Maurice, les Seychelles ou les Maldives qui connaissent d’abord nos vins sud-africains, où les bourgognes sont arrivés après. Sur le marché français, nos vins de Topiary fonctionnent bien chez les cavistes et en restauration. On a un stock aussi à Chassagne. Avec une fourchette de 7 à 15 €, nos cuvées offrent un bon rapport qualité/prix ».
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