S’il est un pays qui paie aujourd’hui un très lourd tribut à l’épidémie de Coronavirus, c’est bien l’Italie et on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour nos amis Italiens en général et nos “voisins” Piémontais en particulier. Voisins géographiques et culturels, avec cette région des “Langhe” proche de Turin ; région des appellations “stars” Barolo et Barbaresco, avec une ancienne tradition viticole basée sur le lien entre le terroir et le mono-cépage. Ici on ne produit pas du cabernet-sauvignon ou du merlot, mais du nebbiolo, du barbera, du dolcetto, de la freisa…
Voici donc un Barbera (nom du cépage) d’Alba (nom de la petite ville “capitale” des Langhe) 2015 de l’Azienda Agricola Conterno Fantino, qui exploite en “bio” certifié vingt-sept hectares (onze en barolo), à 100 % sur Monforte d’Alba. Fabio Fantino, le fils, est un tenant des techniques “modernes” mais sans excès ; cette cuvée Vignota a macéré 8-10 jours, suivis par un élevage en fût parfaitement intégré. Elle est issue de vignes plantées entre 1980 et 1998 sur un terroir marno-calcaire très pentu et la cuvée représente 30 000 à 35 000 bouteilles par millésime en moyenne.
Pour ne rien vous cacher, il nous arrive souvent de préférer un bon Barbera d’Alba (le top pour le cépage barbera à notre avis…) à bien des barolos et cette cuvée de Vignota 2015 est un délice. Elle présente une robe intense, brillante. Au nez explosent les fruits noirs dans le registre mûres, myrtilles fraîches…
Le vin est juteux, riche, très frais, avec une pointe de fermeté qui indique qu’il est loin d’être à son apogée. Ce vin rouge a été accompagné d’un confit de canard du Périgord ; pas vraiment un plat italien (impossible de trouver du jarret de veau pour faire un Osso Bucco…), mais l’accord met et vin fonctionnait quand même très bien. Retrouvez ci-dessous quelques passages des articles consacrés à cette région d’Italie et publiés dans le numéro 125 de Bourgogne Aujourd’hui.
Si le dolcetto et le barbera jouent aujourd’hui dans la “seconde division” des vins rouges du Piémont, avec des prix de vente en conséquence, il n’en a pas toujours été ainsi. Il se dit même que jusque dans les années 1960-1970, ils arrivaient que 10 à 15 % de vins de nebbiolo (cépage du Barolo et du Barbaresco), qui se vendaient mal à l’époque, soient assemblés à des dolcettos et barberas alors bien plus recherchés.
« Le dolcetto, c’est un cépage historique, typique du triangle Gêne, Milan, Turin. Il mûrit tôt, facilement, et autrefois le vigneron l’adorait car avec lui, il était sûr d’avoir une récolte », explique Aldo Vajra, vigneron à Barolo. Le nom « dolcetto » vient de sa faible acidité et du goût sucré qu’il laisse quand on mange le raisin. On retrouve d’ailleurs cette douceur dans les vins, gourmands, suaves, charnus… et dans les prix, qui dépassent rarement les 10 euros la bouteille. Il se vinifie classiquement en cuves, même si sur certaines cuvées, des vigneron (ne) s n’hésitent pas à faire preuve d’ambition. « Sur ma cuvée San Bernardo (voir guide d’achat), j’élève le vin dix-huit mois en foudres et il le supporte sans problème. Les vignes sont vieilles, les terroirs calcaires. Le vin conserve de la fraîcheur », assure Anna-Maria Abbona. Ce sont toutefois là, nous semble-t-il de brillantes exceptions et le dolcetto joue globalement très bien son rôle de début de gamme. On trouve une variété à rafle rouge manifestement moins productive.
Avec le cépage barbera, on grimpe nettement d’un cran et on dit même dans les Langhe qu’au vieillissement, les vieux barberas, plantés sur de beaux terroirs, « baroleggia » ; ils prennent des notes de Barolo, sans pour autant que les cépages nebbiolo et barbera soient liés génétiquement. « À mon avis, un Barbera d’Alba bien placé vieillit aussi bien qu’un Barolo », estime même Aldo Vajra. Le barbera est un cépage intermédiaire à la récolte entre dolcetto et nebbiolo. Il est également polyvalent, presque caméléon, capable selon le vigneron et le terroir, de tirer vers le dolcetto par des élevages en cuves et des vins « simples », sur le fruit, ou de se rapprocher des Barolos et Barbarescos par de longs élevages en foudres, en fûts et des vins denses, complexes, raffinés que l’on retrouve souvent dans les cuvées estampillées « superiore ».
Un grand barbera d’alba est à notre sens une excellente affaire. Pour une quinzaine d’euros, la bouteille, rarement beaucoup plus de 20, on peut dénicher des vins riches, pleins et racés, de longue garde.
14 mars 2024
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