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publié le 23 avril 2014

Le Clos qui valait 100 millions !

 

Le groupe LVMH et son patron emblématique Bernard Arnault viennent de racheter le domaine du Clos-des-Lambrays, situé à Morey-Saint-Denis (Côte de Nuits – 21) pour la somme de 101 millions d’euros. Digne du rachat d’un grand château du Bordelais cette transaction ne va pas manquer d’attiser la spéculation folle qui touche aujourd’hui les prix des vignes dans les grands climats viticoles de Côte d’Or. La “perle” de ce domaine de 10,71 hectares, c’est bien sûr le clos-des-lambrays, grand cru depuis avril 1981, qui lui appartient en quasi-monopole : 8 hectares 66 ares et 18 centiares très exactement sur les 8,70 hectares que compte le clos ; une ouvrée (430 m2) reste en effet la propriété du domaine Taupenot-Merme. Mais le domaine possède également des morey-saint-denis villages et premiers crus rouges, ainsi que deux tiers d’hectares en puligny-montrachet premiers crus blanc Folatières et Clos-du-Caillerets. Enfin, la transaction comprend également une bâtisse superbe, les parties les plus anciennes datent du XVIIème siècle, ainsi que l’équivalent de 40 000 bouteilles de clos-des-lambrays en stock, essentiellement dans les millésimes 2013 (en cours d’élevage) et 2012. Le coeur du domaine c’est donc le clos-des-lambrays grand cru rouge et Thierry Brouin, régisseur depuis 1980, nous emmène à sa découverte. HISTOIREAu cours du siècle écoulé, le clos-des-lambrays a beaucoup changé de mains. A la création des AOC au milieu des années 1930, la famille Rodier en était propriétaire et elle céda le clos à la famille Cosson en 1938. Pendant plus de 40 ans, il ne se passa pas grand chose au point que quand les frères Saier (alors propriétaires du groupe de distribution Félix Potin) et Roland de Chambure achetèrent le clos-des-lambrays en 1979, ce dernier avait acquis sur la côte le surnom peu enviable de “clos délabré”. “Il manquait la moitié des pieds dans les vignes. Les bâtiments étaient en ruine”, se souvient Thierry Brouin, arrivé en 1980, qui être forcé pendant près de 10 ans de vinifier les raisins du clos 60 km plus au sud, à Mercurey, en Côte Chalonnaise (les frères Saier y possédaient aussi un domaine), le temps que les investissements soient réalisés à Morey-Saint-Denis. Dès l’arrivée de Thierry Brouin un énorme travail de remise en état du vignoble a été fait avec l’arrachage de 2,45 hectares dans la partie nord du clos (lieu-dit les Bouchots) et la complantation d’un tiers des 6,2 hectares restant. Faites le calcul : 4,5 hectares du clos-des-lambrays (plus de la moitié) ont donc été “renouvelés” depuis le début des années 1980. Le dossier grand cru (chapitre “grand cru”) sera également rapidement lancé et retenu dès le 27 avril 1981. Étape suivante, douloureuse, en 1994 est prononcé la liquidation judiciaire du groupe Félix Potin et le clos-des-lambrays est emporté par la vague. Le dossier va trainer en longueur pendant deux ans, et Günter Freund, industriel allemand (décédé en novembre 2010) décroche finalement le gros lot pour… 43 800 000 Francs, soit 6,67 millions d’euros. La famille Mommessin, propriétaire du grand cru voisin (côté sud) du clos-de-tart, avait proposé la moitié seulement, ce qui amena M. Freund a se demander s’il ne s’était pas fait “rouler”. Ses héritiers ne doivent pas être du même avis… GRAND CRUSi le clos-des-lambrays n’a pas été classé grand cru à la création des AOC dans les années 1930, c’est tout simplement parce que la famille Rodier, alors propriétaire ne déposa pas de dossier a priori pour des raisons fiscales ; elle ne voulait en effet pas payer davantage d’impôts fonciers. Le temps passe mais les problèmes fiscaux restent d’actualité… Entre 1938 et 1979, le clos va connaitre une longue léthargie pour ne pas parler d’abandon. Toujours est-il que le dossier grand cru est réactivé dès 1980, par l’entremise des nouveaux propriétaires (chapitre “histoire”) et de l’INAO. En un tour de main, le syndicat viticole de Morey-Saint-Denis donne son feu vert. Le dossier est transmis au comité régional de l’INAO puis au comité national de l’institut, au sein duquel les représentants bourguignons, Gabriel Tortochot (vigneron à Gevrey-Chambertin) pour la viticulture et Guy Faiveley (maison Faiveley – Nuits-Saint-Georges), pour le négoce, vont le soutenir avec enthousiasme. En un temps record, le 27 avril 1981, le clos-des-lambrays est officiellement classé grand cru ! LE REGISSEURThierry Brouin n’en est peut-être pas le propriétaire, mais, il n’empêche que le clos-des-lambrays, c’est “son” bébé, qu’il porte à bout de bras depuis près de 35 ans. Originaire de l’Auxois, région d’élevage du nord-ouest de la Côte-d’or, Thierry Brouin est arrivé “par hasard” au vin. Après avoir passé un diplôme d’oenologue et une maîtrise en sciences de la vigne à l’Université de Bourgogne, à Dijon, il a connu quelques expériences professionnelles avant d’intégrer l’INAO en 1975. Il participera notamment à l’aventure du crémant de Bourgogne avant le “grand saut” en 1980 vers l’inconnu du clos-des-lambrays qui était alors en piteux état (chapitre “histoire”). Toujours aussi jovial, prompt a sortir une bonne blague, Thierry Brouin a 66 ans aujourd’hui. Il est en forme et n’a donc pas envie d’arrêter. Il devraient donc rester encore trois ans aux commandes du clos-des-lambrays version LVMH, puis deux années supplémentaires comme consultant. CLIMAT (terroir) et VITICULTUREIl faut aller à sa limite nord pour bien comprendre l’aspect très particulier du clos-des-lambrays. Le clos ondule véritablement en direction du sud, en formant des vagues qui génèrent autant de micro-climats et d’expositions différentes. Ajoutons à cela 60 mètres d’altitude de haut en bas du clos et une mini-combe qui rafraichit la partie nord du clos-des-lambrays. Au niveau géologique, la configuration est assez classique, avec une pente sévère (20%), un sol très mince, pauvre, calcaire dans le haut et plus argileux dans le bas. “Je vinifie 5 à 8 cuvées différentes chaque année. C’est ainsi, un clos-des-lambrays est la somme de toutes ces différences d’expositions, d’altitudes, de sols, d’âges de vignes”, explique le régisseur. Autre particularité, la vigne est plantée perpendiculairement et non dans le sens de la pente, sur 80% de la surface du clos. “Il y a des avantages et des inconvénients. Les avantages : on lutte mieux contre l’érosion, le vent du nord s’engouffre facilement dans les rangs pour sécher les vignes et en année chaude, aucune face est exposée au sud. L’inconvénient : il faut des enjambeurs spéciaux pour travailler en travers de la pente”, explique Thierry Brouin qui poursuit : “A la vigne, insecticides, herbicides, anti-botrytis et engrais ont été bannis. En revanche, s’il faut faire un traitement chimique léger, je n’hésite pas. L’objectif est quand même de faire un peu de vin”. LES VINSLe mot “classicisme” convient à merveille au style des vins du clos-des-lambrays, qui repose d’abord sur une vinification avec de très forts pourcentages de vendanges entières : 100% en 2013, 2012, 2010, 2009… Après tri, les raisins entiers sont chargé par gravité dans des cuves inox thermorégulées. La macération dure deux semaines avec pigeages et remontages, puis les vins sont entonnés (moitié de fûts neufs) dans des fûts qui proviennent à 100% de chez François Frères. “En 1995 et 1996, en pleine période de liquidation judiciaire (chapitre “histoire”), François frères a accepté de livrer des fûts sans être sûr d’être payé. Ce sont des choses dont on se souvient”, explique Thierry Brouin. La qualité progresse d’année en année avec le vieillissement du vignoble qui, rappelons-le, a guère plus de 30 ans sur plus de la moitié du clos (chapitre “Histoire”). Il est possible d’acheter des vins au domaine au prix de 120 euros TTC la bouteille sur les derniers millésimes. Thierry Brouin a débouché quelques bouteilles pour faire découvrir “son” clos-des-lambrays. 201327 petits hectolitres à l’hectare ont été produits en 2013. Fermentation malolactique faite, le vin révèle un nez d’épices et de fruits noirs “sauvages”. La bouche est pure, droite, longue avec un retour sur le fruit “croquant”. 2012″Nous avons tout connu en 2012, une mauvaise floraison, le mildiou, l’oïdium, la grillure… tout sauf la pourriture”, explique Thierry Brouin. Résultat : 15 hectolitres/hectare seulement, mais des raisins mûrs, sains, et l’un des plus grands millésimes de pinot noir des 20 dernières années en Bourgogne. Le vin est très riche, dense, frais, avec ces arômes épicés qui “signent” le style du clos-des-lambrays. 2010Voilà encore un “petit” millésime en quantité (25 hectolitres/hectare), mais de grande qualité, les deux étant d’ailleurs intimement liés. Belle robe de pinot noir, rubis, dense. Au nez, les épices se complètent de notes florales et fruitées. Le vin est plein d’énergie, de tonus, riche, avec une finale très sapide. 2006Le seul “tort” de 2006 est d’arriver après 2005 qui lui fait un peu d’ombre. Sinon, il s’agit bien d’un très beau millésime, avec des raisins mûrs à la vendange ce qui est toujours bon signe. Nez délicat : épices douces, fleurs… La texture est ronde, charnue, enrobée, le tout avec de beaux tanins racés, droits et fins. 1998En 1998, les vins rouges étaient denses, tanniques, stucturés, mais parfois un peu “raides” au départ. Ce 1998 garde une belle structure, de l’opulence et avec le temps, les tannins se sont patinés, affinés, pour donner un ensemble charnu, presque gourmand et pur. Belle surprise ! Christophe Tupinier

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