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publié le 19 mars 2020

Vins blancs : la “guerre des styles” !

 

 

 

Voici ci-dessous l’article publié dans le numéro 25 ans de Bourgogne Aujourd’hui et consacré à la “guerre des styles” qui se poursuit en Bourgogne.
Rappelons que tout abonnement à une version numérique de Bourgogne Aujourd’hui ou tout achat d’un numéro donne accès immédiatement en ligne au(x) numéro(s) concerné(s). Le prochain numéro (152) du magazine comprenant un cahier d’une trentaine de pages sur le Beaujolais, sortira en version numérique au début du mois d’avril.

Pour tenter de trouver une solution au problème des oxydations prématurées, tout en répondant à la prétendue attente des consommateurs pour des vins frais et « tendus », les vignerons explorent des voies techniques très différentes. Le débat est exacerbé au moment des vendanges avec des choix de dates très étalés et Meursault fait aujourd’hui figure de vignoble catalyseur de cette « guerre des styles ». En partenariat avec la Maison Pion, à Meursault, qui distribue les vins d’une vingtaine de domaines de Meursault, nous avons voulu vérifier si, en dégustant à
l’aveugle, il était si simple que cela de classer les vins dans les trois profils : « tendus », « riches » et « équilibrés » ; nous avons également vérifié si à chacune de ces catégories correspondait un itinéraire technique commun.

 

 

La dégustation

Vingt-deux meursaults-villages ont été dégustés en septembre 2019, à l’aveugle, dans les bureaux de chez Pion Le Meilleur du Vin, à Meursault, par Olivier Pion, directeur général, Vincent Lainé, responsable communication, Gilles Trimaille, dégustateur émérite de Bourgogne Aujourd’hui et
Christophe Tupinier : 20 du millésime 2017 et 2 de 2014. Quinze (tous des 2017) sont commentés ci-dessous, les 7 autres étaient fermés et se présentaient mal le jour de la dégustation. Les vins ont été “choisis” parmi les domaines partenaires de chez Pion et par Bourgogne Aujourd’hui.

 

 

Profil de vins « tendus »

 

Anne Boisson

Arômes riches de fruits jaunes, d’agrumes, de poivre blanc… Le vin a beaucoup de fond, de longueur en bouche, dans un style juteux, frais, pur, « tendu »… On peut se projeter sans peine dans l’avenir !

 

Domaine Coche-Dury

Robe or-vert. Arômes fins, purs, subtils, de menthol, d’agrumes, de pain grillé… Le vin est long en bouche, ciselé, salin, dense, pas en place mais le potentiel de garde est évident !

 

Domaine Génot-Boulanger – Les Meix Chavaux

Le domaine est l’un des derniers à avoir vendangé (le 11/09) et le vin est pourtant considéré comme « tendu »…
Arômes encore discrets, purs, sur des notes d’agrumes. Bouche pleine d’énergie, longue, avec un beau fruité citronné et une finale sapide.

 

Rémi Jobard – Les Chevalières

Belle robe or-vert. Arômes frais précis de menthol, de fenouil, d’agrumes, avec une note grillée
élégante. Voilà l’archétype du vin « tendu » très réussi : pur, citronné,
minéral et long en bouche.

 

 

Profil de vins « riches »

 

Domaine Buisson-Charles – Vieilles Vignes

Élevé près de deux ans, ce meursault exprime des arômes intenses de fruits jaunes, de gingembre, d’épices… Le vin est opulent, avec un fruité juteux, et une finale saline, pure. Un vin déjà délicieux et taillé pour bien vieillir.

 

Raymond Dupont-Fahn – Les Tillets

Premier nez peu expressif et à l’aération arrivent des notes de fruits jaunes bien mûrs.
Beaucoup de richesse, d’opulence en bouche, sans lourdeur et avec du potentiel.

 

Vincent Girardin – Vieilles Vignes

Robe dorée. Arômes expressifs de fruits jaunes, de tarte aux citrons… Beaucoup de matière en bouche, de densité, avec un côté encore un peu « serré », mais on parie sans crainte sur l’avenir.

 

Alain Gras – Les Tillets

Arômes de fruits jaunes bien mûrs avec une note exotique : mangue fraîche, ananas… Le vin est riche, charnu, avec une forme d’onctuosité en bouche. Un bon vin de repas.

 

Albert Grivault – Clos du Murger

Arômes discrets, doux, avec des notes florales, grillées… Le vin est gras, opulent, avec une matière presque impressionnante. Voilà un meursault racé, de garde !

 

François Labet – Les Tillets

Robe dorée. Arômes riches et précis de fruits jaunes, d’épices… Le vin est riche, généreux, presque compact, salin. Ce n’est pas le plus ouvert de la série, mais l’un des mieux armés pour bien vieillir.

 

Vincent Prunier – Les Clous

Arômes bien ouverts de fruits jaunes, d’épices… Le boisé marque encore un peu le vin, mais l’ensemble est concentré, gras, généreux et sans lourdeur.

 

Domaine Roulot – Les Meix Chavaux

Arômes frais, mentholés, floraux, épicés, avec un fruité jaune charmeur. Le vin possède du gras, de la chair, un beau volume, des amers fins, un bel équilibre et une finale précise. Une richesse « maîtrisée ».

 

 

 

Profil de vins « équilibrés »

 

Michel Bouzereau – Les Tessons

Arômes de tilleul, d’agrumes, de fleurs, avec une note boisée-grillée. En bouche, la « sucrosité du fruit », la densité sont équilibrés par un côté juteux, le tout avec beaucoup de race et d’élégance.

 

Domaine Fichet – Les Gruyaches

Nez frais, précis, de crème au citron, de tilleul, de pêche, avec une note boisée-grillée… Le vin est à la fois gourmand, par son fruité bien mûr et juteux, ciselé, presque « aérien », avec une belle longueur.

 

Domaine Michelot – Clos Saint-Felix monopole

Arômes doux, expressifs de fruits jaunes, de tarte aux citrons, de fleurs blanches. Jus en bouche riche, frais, croquant, avec un fruité omniprésent, enrobé par un beau boisé et une réduction noble.

 

 

 

Conclusions

Avant d’aller plus en avant dans l’analyse de cette dégustation qui n’avait aucune prétention scientifique, il est utile de préciser ce que nous entendons par des profils de vins « tendus », riches » et « équilibrés ». Un vin « riche » peut avoir de la fraîcheur et à l’inverse, un vin « tendu », de la matière, mais pour résumer, un vin « tendu » aura un profil longiligne, axé sur la pureté, alors qu’un vin « riche » sera davantage dominé par une sensation d’opulence, de densité en bouche ; le profil « équilibré » se positionnant entre les deux. Des nuances parfois subtiles, même pour des dégustateurs expérimentés…

La date de vendange, puisque c’est le sujet « chaud » du moment, suffit-elle à expliquer les nuances de styles ? Non ! Deux domaines, dont les vins ont été considérés comme « tendus », ont pourtant vendangé à près de… deux semaines d’intervalle (le 30 août pour Anne Boisson et le 11 septembre pour Génot-Boulanger), alors que trois autres domaines (Michel Bouzereau, Roulot et Rémi Jobard) ont bien vendangé à peu près à la même date (4 et 5 septembre), mais ils se retrouvent pourtant dans les trois profils. Alors quoi ? Nous avions demandé aux domaines de nous donner des informations sur les points suivants : date de vendange, type de pressoir, débourbage « serré » ou pas, vinification et élevage en fûts et/ou cuves, pourcentage de fûts neufs, fermentation malolactique ou pas, durée de l’élevage avec une mise en masse (en cuves) ou pas avant mise en bouteilles, filtration et ou collage. La lecture des fiches techniques confirme des choix différents entre vignerons, mais rend impossible d’associer à un « profil » un itinéraire technique « type ». On retrouve bien quelques dominantes (pressoir pneumatique, débourbages plutôt courts pour garder des lies, élevages longs de seize mois et plus, pas ou peu de bâtonnage, une proportion de fûts neufs autour de 20 %…) mais transversales aux trois profils. Il est donc évident que bien d’autres paramètres influent sur le « profil » comme les rendements à la parcelle, le terroir… et bien sûr la « patte » du vigneron…