Accueil Actualités Château Thivin, le Beaujolais éternel !

publié le 26 octobre 2022

Château Thivin, le Beaujolais éternel !

Claude-Edouard Geoffray, son épouse Sonja et Claude-Vincent Geoffray.

 

Le numéro 167 de Bourgogne Aujourd’hui comporte un cahier Beaujolais Aujourd’hui dont nous “fêtons” le 15ème anniversaire. Pour l’occasion la rencontre du numéro est consacré à un domaine emblématique du Beaujolais, Château Thivin, propriété de la même famille Geoffray depuis 1877. Retrouvez ci-dessous quelques extraits de cette interview. 

Le cahier Beaujolais Aujourd’hui spécial “15 ans” contient également notre classement des 50 meilleurs domaines de la région, ainsi qu’un guide d’achat de plus de 300 vins (Moulin-à-Vent, Fleurie, Morgon, Brouilly, Chiroubles, Côte de Brouilly, Chénas, Juliénas, Régnié, Saint-Amour) des millésimes 2021, 2020 et 2019 pour l’essentiel. 

 

 

Nous avons le sentiment que beaucoup de choses ont changé dans le Beaujolais depuis 15 ans et en premier lieu le regard que portent les consommateurs sur la région. Le ressentez-vous également ?

Claude-Vincent Geoffray : Le Beaujolais est en train de devenir un vignoble « tendance » avec des investisseurs qui arrivent de Bourgogne, de la Vallée du Rhône, c’est très positif. Le superbe millésime 2009 a marqué un vrai tournant et les deux beaux millésimes qui ont suivi ont enfoncé le clou.

Claude-Edouard Geoffray : Nous sommes sortis de l’époque où il se produisait beaucoup de vins légers, gourmands, faciles, avec ces vins « nouveaux » qui avaient cannibalisés l’image de la région. La communication globale a changé, les vins ont évolué, ont gagné en concentration, en complexité, et tout ceci collabore à donner une meilleure image de la région. En parallèle, le consommateur recherche de plus en plus des vins rouges frais, fruités et le Beaujolais répond tout à fait à cette demande.

CVG : Le Beaujolais séduit également par ses paysages que beaucoup d’amateurs de vins redécouvrent et il y a sans doute encore des efforts à faire en matière d’oenotourisme pour mieux les recevoir.

 

La crise est-elle derrière vous ?

CEG : La crise d’image est terminée et c’est même presque l’inverse aujourd’hui, mais une seconde crise se profile à l’horizon : un manque de bras et de renouvellement. Il n’y a pas assez de jeunes vignerons prêts à s’installer et, alors que la demande est là, les arrachages de vignes vont se poursuivre faute de repreneur. Des jeunes s’installent, mais sur quelques hectares, alors que des anciens partent en laissant 15 ou 20 hectares. C’est triste. Ceci étant, on voit aussi des jeunes fils et filles de vignerons qui étaient partis faire complétement autre  chose, qui avaient de bons salaires, revenir dans la région reprendre les domaines familiaux, même si ils savent que les premières années vont être difficiles financièrement.

 

La Bourgogne est à vos portes avec depuis quelques années un succès qui dépasse l’entendement, tout particulièrement dans les plus grandes appellations, avec une explosion des prix des vins, des terres ? Qu’est-ce que cela vous inspire ?

CVG : Personnellement, je ne les envie pas du tout. Il faut rester les pieds sur terre.

CEG : Je pense que dans les conditions actuelles, la Bourgogne se bloque dans son développement à beaucoup de niveaux. C’est devenu a priori impossible ou très compliqué d’acheter un hectare pour étoffer sa gamme, il y a déjà des problèmes de successions ; c’est trop, tout simplement, me semble-t-il.

Sonja Geoffray : Et puis tu perds tes anciens clients en augmentant autant les prix. Cela me gênerait beaucoup que nos vins ne soient plus accessibles qu’à des gens qui ont un énorme porte-monnaie.

CEG : S’il faut se saigner pour acheter 3 bouteilles, à quoi bon ?

CVG : Et 3 bouteilles qui seront revendues sur internet et jamais bues ! Ce n’est pas le but.

CEG : Notre configuration actuelle nous convient, celle d’un domaine familial, avec un bon équilibre, une rentabilité satisfaisante, des échanges sereins avec nos clients que nous continuons de recevoir. Ceci étant, s’il y a une chose à envier à la Bourgogne, c’est tout ce travail remarquable qui a été fait pour mettre en valeur les lieux-dits, les climats et le Beaujolais a besoin de d’en inspirer. C’est un modèle, cela donne de la précision aux vins et cela permet de mieux les valoriser.

 

Les vins « nature », sans soufre, ont du succès. Ils font parler et ils contribuent au regain d’intérêt des consommateurs pour les vins du Beaujolais. Est-ce un danger ou une opportunité à saisir pour une région qui a une vraie antériorité en la matière et un vrai savoir-faire ?

CEG : Nous n’en produisons pas, mais c’est un vrai phénomène de société, une rébellion contre l’œnologie, l’agroalimentaire, contre cette société qui cherche à tout standardiser. Avec la montée en puissance de l’œnologie, on allait sans doute vers une forme de standardisation, vers des vins trop parfaits et un de vos collègues journalistes nous avait même dit un jour : « on finit par s’em… dans vos dégustations avec vos vins qui se ressemblent tous » (rires).

 

C’est loin d’être le cas, mais passons…

CEG : Bref, toujours est-il que les vins « nature » répondent à cette envie de différence ; ils ont des amateurs, mais considérer que le vin se fait tout seul, sans intervention humaine, ne correspond pas à la réalité. La montée des vins sans soufre est sans doute positive pour l’image du Beaujolais, mais il ne faudrait pas qu’il y ait trop de vins de ce type, plus ou moins réussis d’ailleurs.

CVG : Après les vins issus de thermovinification, les vins nature ? Le risque dans les deux cas, c’est quand même d’avoir une standardisation des vins. On ne ressent plus les différences entre les terroirs.

CEG : Nous sommes vraiment maniaques pour chercher à avoir des raisins parfaits, mûrs, sains, alors ce n’est pas pour se reposer en vinification et laisser les vins se faire manger par les « brets » (rires).

 

Le Beaujolais nouveau a-t-il toujours sa place dans le Beaujolais d’aujourd’hui où l’on ne parle que de montée en gamme, de valorisations des terroirs ?

CVG : Il a toute sa place. Peu de vignobles font des vins nouveaux aujourd’hui et cela reste un temps forts de l’année. Le troisième jeudi de novembre on songe à boire du Beaujolais nouveau, ou autre chose, alors c’est positif !

CEG : C’est un vin de plaisir, de fruit, une fête de la gastronomie locale et le moyen de découvrir le nouveau millésime. Il ouvre la voie aux vins plus « sérieux » qui suivront ; sur nos 4 hectares de Beaujolais-villages, nous produisons des vins de garde, du rosé et peu de vins « nouveaux ». C’est l’histoire de la région et il est hors de question de la renier.

 

Vous avez débouché un Côte de Brouilly 1994 pour terminer notre discussion. Pourquoi avoir choisi ce millésime ?

CVG : Parce que c’est une de ces années difficiles comme il y en avait beaucoup dans un passé pas si lointain que cela. En 1994, nous avions eu 12 jours de pluie sur les 13 jours de vendanges et je peux vous dire que le degré d’encuvage n’était pas extraordinaire. On disait aux vendangeurs, « mais non restez, demain il fera beau, vous verrez ». Heureusement qu’ils n’avaient pas de portable pour voir la météo (rires).

Bourgogne Aujourd’hui : Et pourtant, qu’elle belle bouteille, toute en finesse, avec une belle couleur, des notes fruitées, épicées, fumées et on se régale à déguster ce vin léger, délicieux, fin. Cela interpelle sur le potentiel de garde des grands vins du Beaujolais de déguster un vin de près de 30 ans aussi agréable alors que le millésime était pourtant compliqué.

CVG : C’est vrai que le vin se tient bien, il est honorable, alors qu’à l’époque la viticulture était conventionnelle, les sols étaient désherbés et tout était vinifié sur 8-9 jours, en vendange entière et sans tri des raisins, qu’elle que soit l’année. Beaucoup de choses ont changé depuis, comme les bouchons ; à l’époque ils étaient courts, maintenant ils sont plus longs. Nous étions modestes.

CEG : Et nous sommes devenus prétentieux (rires).

 

Propos recueillis par Christophe Tupinier

Photographies : Thierry Gaudillère

 

 

Repères

XIIème siècle : Une Dame habitant Brouilly fait don au Sire de Beaujeu Humbert III de sa propriété et de « 40 hommes » : le Clos de Brouilly, cédé ensuite aux Chanoines de Saint-Irénée de Belleville.

1383 : On construit la première partie du manoir que l’on appellera plus tard Château Thivin. La date de 1383 figure encore au-dessus de la porte d’une petite cave.

1813 : Un avocat lyonnais, monsieur Thivin, donne son nom au domaine après en avoir fait l’acquisition après la révolution française.

1877 : Achat du château Thivin et son Clos par Zaccharie et Marguerite Geoffray.

1939 : Création de l’appellation Côte de Brouilly par Claude-Thomas Geoffray et ses confrères vignerons.

1947 : Création de l’académie Rabelais dans la salle des vendanges du château.

1977 Claude-Vincent et Evelyne reprennent le domaine et construisent un cuvage « gravitaire ».

1998 : Premier millésime de la cuvée Zaccharie.

2001 : Le domaine « blanchit » sa gamme avec la cuvée de Beaujolais-Villages blanc Marguerite (plantation en 2001, premier millésime en 2004).

2004 : Début de la restructuration du vignoble en palissage et taille cordon.

2006 : Achat de 4 hectares de vignes sur le lieu-dit Brulhié, cuvée Les Griottes de Brulhié.

2007 : Installation de Claude-Edouard et Sonja.

2008 : Construction d‘une cave de stockage bioclimatique (puits canadien).

2009 : Plantation du Clos de Rochebonne (chardonnay), en AOC Beaujolais blanc.

2021 : Installation de panneaux photovoltaïques sur le toit du cuvage et premier millésime vinifié avec de l’énergie solaire.

 

 

 

 

 

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