Dominique Lafon a fêté
l’an dernier ses trente ans à la tête du Domaine des Comtes Lafon à Meursault (Côte de Beaune – 21).
Le réchauffement climatique et ses conséquences, prix des vignes et des vins, commerce
sur Internet, développement
dans le Mâconnais, viticulture bio,
etc. Bourgogne Aujourd’hui a balayé
avec lui tous les grands sujets qui font l’actualité de son domaine… et de la Bourgogne. Morceaux choisis…
L’intégralité des 6 pages de l’interview est à lire dans le
numéro 135 de Bourgogne Aujourd’hui qui sortira à la mi-mai.
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La Bourgogne connaît un début de saison
encore une fois très chaud et précoce. Le climat change rapidement. Cela modifie-t-il
votre façon de travailler ?
J’ai fait mon premier stage de
vinification en 1979, il y a trente-huit
ans. Quand on est vigneron, quand on passe son temps dehors, on ne doute pas de
la réalité du réchauffement climatique ; entendre encore des
climato-sceptiques m’étonne toujours. Il faut gérer des sorties d’hiver souvent
chaudes et rapides et ce n’est pas simple pour le travail des vignes au
printemps ; cela met tout le monde sous pression.
Cela doit-il
induire des façons de gérer les domaines différemment en tenant compte plus
sérieusement des risques climatiques, principalement le gel ou la grêle, liés à
ces bouleversements climatiques ?
En Côte de
Beaune, à Volnay, à Meursault,
nous avons été frappés fort par le gel et la grêle ces dernières années. Les
débourrements précoces allongent la période de risque de gel. Aujourd’hui, la
grêle peut dévaster des centaines d’hectares, alors qu’avant, ce n’était qu’un secteur
relativement restreint. Les dégâts sont gigantesques et il est clair que nous
sommes tous aujourd’hui un peu perdus dans la mesure où il devient impossible
de se projeter dans l’avenir. Cela fragilise les entreprises et cela va devenir
compliqué de continuer à investir en ne produisant que dix à vingt hectolitres à l’hectare comme ces cinq dernières années.
À 100 euros minimum le
grand cru aujourd’hui, à l’exception des cortons, les clients de la « grande
Bourgogne » ont, en partie,
au moins changé pour laisser place à de riches Asiatiques, Américains, Russes… Est-ce dangereux que la Bourgogne des « grands
vins », ces AOC qui continuent de jouer un rôle important de locomotive,
se coupe de sa clientèle « populaire », de ces amateurs pas forcément
millionnaires mais qui chaque année étaient des clients fidèles ?
Ce n’est plus
donné à tout le monde de pouvoir acheter ces vins, c’est vrai, mais c’est un
peu inévitable. Vu les petits volumes produits dans ces grandes appellations,
comment éviter que les prix augmentent face à une demande mondiale ? La rareté est une réalité sur
les grands crus et certains premiers crus très cotés. Il faut aussi préciser que ces hausses de prix
sont largement liées aux faibles récoltes de ces dernières années. Je peux me tromper,
mais si nous produisons deux ou trois bonnes récoltes consécutives, les prix
devraient se stabiliser, voire baisser un peu dans des AOC villages où il y a
toujours plus d’offre. Les AOC villages, c’est le coeur de la Bourgogne.
Le Domaine des
Héritiers du Comte Lafon a été créé en 1999 dans le Mâconnais, à
Milly-Lamartine. Pourquoi vous et votre famille avez-vous décidé à cette époque
d’investir au sud de la
Bourgogne, alors que les vignes n’étaient pas encore
inabordables en Côte-d’Or ?
La première
motivation était de se développer pour pouvoir offrir assez de vins à mes
clients et sans doute aussi de me remettre en question. Peu de temps avant, j’avais réussi à acheter un demi-hectare
de meursault-villages de
haute lutte ; c’était déjà difficile, il n’y avait pas grand-chose à
vendre, avec à chaque fois quinze
domaines au moins sur les rangs. J’ai vite compris que cela allait être
compliqué d’avancer en Côte-d’Or.
À la fin des années 1990, tout le monde allait dans le Sud de la France ; c’était
l’eldorado. J’ai donc regardé, comme tout le monde, pour me dire : « mais
que vais-je aller faire à 500 km
de Meursault ? Comment vais-je arriver à comprendre les sols, les
cépages ? ». J’ai abandonné le Sud. Pour être en phase avec ce que je voulais faire,
il ne fallait pas être trop loin de Meursault, ni en distance, ni en cépage, ni
en type de sol. À travers
mon expérience commerciale passée chez Becky Wasserman (société d’exportation “Le Serbet”, à Beaune) et des liens très
amicaux avec Olivier Merlin, un vigneron à la Roche Vineuse,
j’avais pu constater le potentiel des vins blancs du Mâconnais, alors je suis
parti à la recherche de vignes dans le secteur et le hasard a bien fait les choses en me
permettant d’acheter sept
hectares à Milly-Lamartine.
L’un des points
forts du domaine, c’est son
engagement ancien dans la viticulture biologique et biodynamique, tant à
Meursault que dans le Mâconnais. Quel bilan faites-vous aujourd’hui ?
Je ne
reviendrai pas en arrière. Ma motivation première était environnementale. Elle
concernait ma famille, les salariés du domaine, la qualité de l’eau que nous
buvons. Franchement, il n’y a pas d’autre option. Il est inconcevable de
continuer à désherber en sachant que les résidus de produits finissent dans
l’eau du robinet. C’est juste insensé ! Je n’ai pas envie d’utiliser des
produits toxiques que je vais boire ou respirer. Après, on voit le bénéfice de la bio sur la qualité
des sols, sur les équilibres
dans les vins. Sont-ils meilleurs en bio ? Cela se discute. On trouve d’excellents vignerons non bio,
mais franchement, un vigneron qui mène ses vignes en bio et qui derrière
vinifie bien, est au top !
Propos recueillis par Christophe Tupinier
Les domaines
Lafon
Gérant :
Dominique Lafon.
Domaine
des Comtes Lafon (Meursault – 21)
16,5 hectares,
dont 32 ares de montrachet grand cru, 5,5 hectares de meursault premiers crus
blancs, 5 hectares
de volnay premiers crus
rouges.
100 000 bouteilles
en année « normale » (le tiers en 2016) – 60 % exportation.
9 salariés (bureau
commun avec Les Héritiers du Comte Lafon).
Domaine
Les Héritiers du Comte Lafon (Milly-Lamartine – 71)
26 hectares,
dont 7 hectares
en viré-clessé, 2 en saint-véran et 1,5 en pouilly-fuissé.
180 000 bouteilles
en année normale – 60 % exportation.
5 salariés et 2
tacherons.
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